ETAT DE DROIT : la Belgique vote contre !
Cumuleo, Transparencia, TestAchats et le Gerfa interpellent la Commission européenne.
Ce communiqué traite de la situation avant les élections fédérales du 9 juin 2024. Consultez également le communiqué commun de Cumuleo, Transparencia, Testachats, le Gerfa, la Maison des lanceurs d'alerte et le Comité Free.Assange.Belgium publié le 9 juillet 2024.Alors que la Belgique préside le Conseil de l'Union européenne, le gouvernement et sa majorité politique votent CONTRE les recommandations de la Commission européenne en matière de transparence et d'Etat de droit.
Cumuleo, Transparencia, TestAchats et le Gerfa interpellent la Commission européenne sur le rejet par le parlement fédéral d'une recommandation sur l'Etat de droit présentée comme « très claire » par la Commission.
La recommandation concernée porte sur le fait de doter la Commission fédérale d'Accès aux Documents Administratifs (CADA) d'un pouvoir d'émettre des décisions contraignantes. Cette recommandation est présente dans les rapports Rule of Law 2022 et 2023.
Rétroactes
En 2021, dans le rapport Rule of Law (p. 12) consacré à la Belgique, la Commission européenne s'inquiétait du fait que « les systèmes d'accès aux informations détenues par les pouvoirs publics ne sont toujours pas aussi opérationnels qu'ils devraient l'être pour garantir de manière adéquate le droit à l'information ».
En 2022, la Commission revenait à la charge (p.19) en interpellant la Belgique sur le fait qu'« en cas de refus d'accès à des documents publics, un recours peut être introduit auprès de la Commission d'accès aux documents administratifs, mais que cette dernière n'a qu'une fonction consultative. » Et la Commission européenne d'ajouter que « les évolutions susmentionnées viennent renforcer les indications du rapport 2021 sur l'état de droit concernant la nécessité d'améliorer les règles d'accès aux informations détenues par les pouvoirs publics afin de remédier de manière adéquate aux lacunes en matière de droit à l'information. ».
En 2023, la Commission européenne, sur base des allégations transmises par les autorités belges, indiquait dans son rapport Rule of Law (p.23) que « des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l'accès du public aux documents, dans la mesure où des initiatives sont en cours pour permettre à la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) de prendre des décisions contraignantes. Le rapport 2022 sur l'état de droit a recommandé à la Belgique de renforcer le cadre régissant l'accès aux documents officiels, notamment en améliorant les procédures de demande et de recours et en limitant les motifs de rejet des demandes de divulgation, tout en tenant compte des normes européennes en matière d'accès aux documents officiels [...] Au niveau fédéral, l'organe compétent pour traiter un recours sur des questions non liées à l'information en matière d'environnement, la CADA, n'est encore qu'un organe consultatif. Ce fait a été critiqué non seulement par les parties prenantes, mais aussi par l'Institut fédéral des droits humains, un institut public indépendant. [...] Bien que ces développements soient toujours en cours, ils concerneraient la transformation de la CADA en un organe ayant le pouvoir d'émettre des décisions contraignantes. ».
Et la Commission européenne de conclure qu'« étant donné que des initiatives sont en cours pour transformer la CADA en un organe ayant le pouvoir d'émettre des décisions contraignantes, on peut conclure que des progrès ont été accomplis en ce qui concerne la recommandation formulée dans le rapport de 2022 ».
En 2023, le gouvernement a déposé un projet de loi modifiant la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration. Ce projet de loi ne prévoyait pas de rendre les décisions de la CADA contraignante.
Des députés de l'opposition ont dès lors introduit des amendements (n°17 et n°22) visant à octroyer à la CADA un pouvoir décisionnel contraignant, comme demandé par la Commission européenne, mais aussi par l'Institut fédéral des droits humains et une douzaine d'organisations de la société civile, dont Cumuleo, Transparencia, les associations de journalistes, les Ligues des droits humains, l'Association des archivistes francophones de Belgique,... rejoints par TestAchats et le Gerfa.
Durant les débats parlementaires, le Commissaire à la Justice Didier Reynders est venu au parlement fédéral pour, entre autres, plaider pour que la CADA fédérale soit dotée du pouvoir de prendre des décisions contraignantes : « Il faut, pour nous, tendre vers des décisions contraignantes d'une telle commission, c'est très clair et c'est la préférence [...] et une décision contraignante d'une commission est un signal très fort [...] il faut donc des décisions contraignantes et puis un accès correct aux documents. Et nous en parlerons dans notre rapport 2024. C'est une recommandation qui est très claire et si on ne met pas en place une telle règle, il sera difficile de dire on y travaille. On peut y travailler pendant quelques semaines, quelque mois, mais notre prochain rapport interviendra peut-être tout de suite après les élections et il s'agit donc d'une évaluation des résultats en la matière. ».
Par le dépôt d'un projet de loi ne prévoyant pas de doter la Commission d'Accès aux Documents Administratifs d'un pouvoir décisionnel, le gouvernement n'a pas répondu à une recommandation de la Commission européenne en matière d'Etat de droit.
Par le vote contre les amendements n° 17 et n° 22, visant à doter la Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA) d'un pouvoir décisionnel, le Parlement a expressément rejeté une recommandation de la Commission européenne en matière d'Etat de droit.
Ce n'est donc pas comme si la Belgique ignorait simplement les recommandations de la Commission européenne ou qu'elle tardait à les implémenter. La Belgique s'est sciemment opposée à une recommandation présentée comme « très claire » par le Commissaire Reynders en matière d'Etat de droit.
Dans le passé récent, la Commission européenne a su se montrer ferme envers les pays qui bafouaient l'Etat de droit, par exemple en gelant le paiement de fonds européens.
Cumuleo, Transparencia, TestAchats et le Gerfa concluent cette interpellation en questionnant la Commission européenne sur les mesures qu'elle compte prendre.